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Les egares du Doublon (chap 3)

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daisy-branighan's avatar
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Résumé: Judith a rejoint Rackham dans le train menant à la capitale. Souvenirs et nostalgie d'une époque à jamais révolue.


*****

"Tu as reçu ton carton d'invitation pour la célébration ?" demanda abruptement l'elfe à Judith, en froissant son quotidien.

" Pardon ? De quoi parles-tu ? "

" Ne fais pas semblant. Tu comprends tout à fait de quoi je parle. Les journaux ne jurent que par ça en ce moment. "

Il tendit le journal à la jeune femme. Les gros titres étaient "première célébration de la création du Doublon." ou encore "Qu'en est-il aujourd'hui des conséquences du Sacrifice ?"

Bien sûr qu'elle avait reçu son carton. On l'avait apporté jusqu'à chez elle, non pas par le messager habituel, mais par un nephilim vêtu d'une livrée royale. Elle avait droit à cet honneur puisqu'elle avait cru au projet fou du Sacrifié, l'accompagnant jusqu'à dans cette grotte de Brocéliande. Elle l'avait vu disparaître, avalé par cet énorme miroir qui s'était recouvert d'une pellicule d'or. S'ensuivit l'exode et la conquête de ce nouveau monde. De tout cela, Judith en avait été un témoin privilégié.

" Tu te doutes que moi, je ne l'ai pas reçu. Ils ne veulent pas me voir débouler à leurs festivités royales." ironisa Rackham.

Sa voix était habillée d'humour, mais une oreille attentive pouvait percevoir de la rancune dans cette phrase assassine.


Rackham était un métis. Il avait pourtant toutes les caractéristiques de sa race : peau pâle, yeux d'un bleu délavé et bouche sombre. Seule sa chevelure trahissait son lien de parenté avec un humaine : elle était d'un blond clair et non d'un blanc immaculé.

Rackham était un bâtard, car du sang royal coulant dans ses veines. Sa naissance divulguée fut un coup de tonnerre dans le monde des créatures. Un des leur pouvait donc s'éprendre d'un être sans magie ? Cet étonnement hypocrite cessa bien vite. Aussi, sa naissance fut acceptée à cette unique condition : qu'il ne prétende jamais au trône de son père. Il devait être dur pour le roi de voir les traits de la femme qu'il avait aimée dans le visage de son fils. Il était encore plus dur pour le prince légitime de voir cette erreur vivre au palais.

" On ira faire notre célébration de notre côté, car je n'y vais pas. " répondit assurément Judith.

Rackham sourit, à peine surpris.

"Si toi, tu n'y vas pas, cela sera un " accident diplomatique " qui ferra les gorges chaudes de toutes les âmes, du palais royal jusqu'à la plus misérable des masures. Cela sera considéré comme si tu reniais l'œuvre du sacrifié."

"Tout le monde s'en fout." s'impatienta Judith. "Pardonne-moi mon langage, mais c'est juste une occasion de boire de baiser."

"J'aime ta subtilité."

"Je crois que c'est ça qui me dégoûte le plus. Qu'on se sert d'un drame pour faire la fête."

"C'est un drame pour toi, mais pour moi, c'est une chose joyeuse. Je suis désolé que cela te blesse, mais le mort de cet homme est l’événement qui m'a rendu le plus heureux au monde. Non pas que je suis ravie de la savoir disparu, mais son sacrifice nous a permis de vivre enfin libre. Tu ne vivais pas caché, toi." finit Rackham, un peu amer.

"Je vivais avec vous !"

"Mais toi tu avais ce que nous, nous n'avions pas : le choix."

À cela, Judith ne sut pas quoi répondre. Il avait raison.

"La seule chose que je regrette, c'est de ne pas avoir laissé ce même choix aux résistants..." soupira-t-elle.

Le regard de Rackham se radoucit, car il ne pouvait l'aider à se sentir mieux. Ce combat contre sa conscience, elle était la seule à pouvoir la remporter. La bataille était rude, car de l'espoir du début, celui de fonder une société libre, n'était resté que l'amertume de l'échec. Elle avait combattu pour la liberté et avait finalement aider le système à faire des milliers de prisonniers.

"C'est incroyable comme une simple idée, si bonne dans son principe, peut faire autant de malheureux." pensait-elle souvent.

Son vœu le plus cher s'était pourtant réalisé : un nouveau monde, vierge de toute civilisation, avait été conquis. Mais la joie fut ternie par la cruauté dans laquelle cela s'était déroulé, rendant le plaisir de la victoire si acide qu'il finit par la dégoûter à jamais. Elle avait perdu la foi et n'écoutait plus que la tristesse des uns, devenue sourde à l'allégresse des autres.


"Et puis, tu pourras la voir" tenta Rackham. "Tu sais qu'elle serait heureuse de te parler."

Judith rit tristement. Elle savait bien de qui il voulait parler.

"J'ai du mal à la regarder dans les yeux. J'y vois son père."

"Elle veut te voir pour la même raison. Toi aussi, tu lui rappelles son père."

Elle soupira puis essaya de regarder le paysage qui défilait derrière la vitre. L'horizon plongé dans l'obscurité, il ne se reflétait que son propre visage.

" Ma pauvre Gisèle, ton père est un héros, un vrai. " se dit-elle, comme pour elle-même.

En réalité, c'était cela qui la faisait redouter cette soirée. Elle avait peur de voir la fille de Sacrifié.


Le silence s'installa entre eux jusqu'à ce que l'agent vienne les voir pour les prévenir de leur arrivée. Tous les passagers se préparèrent et se pressèrent vers les portes. Depuis que les créatures connaissaient la liberté, la plupart ne voulaient avoir que le ciel comme toit sur leurs têtes.


Un groupe d'elfes passèrent devant eux. Ils étaient maquillés et coiffés à la mode "humaine". La poudre bronzante dont ils étaient recouverts cachait mal leur peau d'une pâleur presque translucide. Ils exhibaient tous des articles chinés dans une brocante ou une friperie tenue par des pirates urbains, ces chercheurs de trésors modernes.

" Regarde-moi ces incroyables et ces merveilleuses !" lâcha Rackham, les dents serrées par la colère. " Une honte pour ma race ! "

Judith, amusée par la réaction de son collègue, répliqua :

" Ce n'est pas un crime, ils ne font que s'habiller comme les humains. "

" La culture humaine n'est pas notre culture. "

" Ais-je le droit de singer les créatures ? " dit-elle en montrant son collier représentant le symbole du Grand Alchimiste : un serpent se mordant la queue et formant un huit avec son corps.

Il prit la remarque avec humour et se fut à son tour de lui répondre :

" Parfois, j'oublie à qui je parle... J'ai même l'impression que tu n'es plus humaine. "

" Parfois, je me surprends à penser la même chose... " dit-elle en regardant une dernière fois son reflet dans la vitre.




Voici le troisième chapitre ! La prochaine fois, on va voyager au coeur de la cité ! Cela va être dépaysant ! 
© 2014 - 2024 daisy-branighan
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Headmoon's avatar


Avec un peu de retard, je viens (enfin) de finir le chapitre 3 !


Je vois que tu as suivi mon conseil pour le résumé, good ! ;)

En une ligne j'ai pu me souvenir de ce qui s'est passé jusqu'à présent, bonne initiative !


ton père est un héros, un vrai => j'aime bien cette phrase !


J'ai beaucoup aimé la dernière phrase !




Quelques petites remarques cela dit :


Les gros titres étaient "première célébration de la création du Doublon." => « Première » avec un P majuscule et suppression du point à la fin (qui n'est pas utile car ce n'est pas une phrase ! ^^)

On l'avait apporté jusqu'à chez elle => On le lui avait apporté jusqu'à chez elle me paraît plus judicieux comme formulation.


Seule sa chevelure trahissait son lien de parenté avec un humaine => avec « une humaine » ou « un humain », au choix ! ^^


« Rackham était un métis » / « Rackham était un bâtard » => la tournure me semble un peu trop répétitive, surtout dans un labs de temps aussi court.


"Pardonne-moi mon langage, mais c'est juste une occasion de boire de baiser." => « de boire Et/ou de baiser », on peut difficilement faire les deux en même temps... (encore que...:P)


« mais le mort de cet homme est l’événement » => mais LA mort de cet homme...


"Mais toi tu avais ce que nous, nous n'avions pas : le choix." => Mais toi, tu avais ce que nous n'avions pas : le choix (virgule à rajouter)


« de l'espoir du début » => la tournure me semble un peu bizarre...


"Et puis, tu pourras la voir" tenta Rackham. => mettre un point après « la voir » ? (pas sûr pour cette dernière remarque, cela dit...)


" Regarde-moi ces incroyables et ces merveilleuses !"  => « merveilleuses créatures » ? (il me semble qu'il manque un mot ici ! ^^)




Si pour toi la pause te semble nécessaire pour retravailler ton introduction et améliorer la suite, n'hésites pas alors. (Et n'hésites pas non plus à nous présenter la timeline de ton univers, si tu veux qu'on te donne notre avis ! Y en a qui le font ! ^^)


En dehors de ces quelques remarques, le chapitre 3 se lit comme une lettre à la poste. Le seul petit reproche que je lui ferais : trop court ! ;)


Bonne Chance pour la suite ! ;)